L’interdépendance des entreprises expose chacune d’entre elles à la défaillance d’un des maillons de la chaîne de valeur. Travailler ensemble devient indispensable pour contrôler ses risques, ce qui ouvre un tout nouveau champ pour les risk managers
« Il y a encore 50 ans, Arcelor avait ses mines, exploitait les minerais puis produisait son acier dans des sites de production situés dans la même région, analyse Xavier Marchand, avocat au cabinet Carakters. Désormais, ce monde est révolu : il n’y a plus de stock ou, plus précisément, l’industriel a désormais des milliers de stocks décentralisés directement chez ses fournisseurs. Les constructeurs automobiles ont ainsi plus de 10 000 stocks chez leurs multiples fournisseurs. » En effet, le besoin de chercher à la fois les meilleurs prestataires et les prix les plus attractifs a mené à une globalisation des productions, qui fonctionnent à flux tendus. « À force de chercher de la productivité avec le Lean et le Six Sigma, les stocks ne peuvent plus servir d’amortisseurs : en cas de rupture d’approvisionnement, les entreprises n’ont alors que quelques jours de production devant elles », analyse Laurent Giordani, associé de Kyu, cabinet de conseil en chaîne logistique et en risk management.
Si cette recherche d’optimisation a donné des résultats tangibles, un effet secondaire indésirable a été de fragiliser aussi la supply chain. Si l’un des prestataires subit un sinistre, cela a un impact direct sur l’entreprise. Le tout est de le savoir… et de pouvoir la couvrir. « Le risque de chaîne logistique est assurable, mais comme pour toute assurance, cela ne couvre qu’une partie des risques, explique Philippe Maraux, Directeur lignes techniques chez Marsh. Il y a alors systématiquement des échanges entre l’entreprise et les assureurs, par notre intermédiaire, pour mener une analyse des flux de production très poussée, afin de n’assurer que les scénarios critiques pour l’entreprise et transférables à l’assureur. » Le processus de souscription est alors assez long, mais permet aussi de prendre conscience des points améliorables, avec la diversification des fournisseurs par exemple, ainsi que des points de vulnérabilité majeurs assurables.
Les entreprises les plus matures, elles, développent de plus en plus d’outils de communication connectant l’ensemble des acteurs d’une chaîne de production. BoostAerospace est ainsi une initiative de l’industrie aéronautique créée en 2009 par Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thales. Il s’agit d’une plateforme sécurisée, qui harmonise et sécurise les informations partagées au sein de la chaîne de valeur. « Cette plateforme permet d’avoir une vision en miroir, où fournisseurs et clients voient la même information au même moment, note Philippe Cotelle, Directeur de l’assurance et du risk management chez Airbus Defence & Space. Cela permet de consolider la donnée, d’avoir une cohérence sur l’ensemble du tissu économique et d’anticiper au mieux les aléas qui sont très coûteux dans une industrie où sont produits, en flux tendus, deux avions par jour. « La menace peut survenir, ou plutôt elle se matérialisera forcément un jour, poursuit Philippe Cotelle. Le tout est d’être préparé au niveau de son entreprise, mais aussi de son écosystème. » Serait-ce là l’avenir du risk management ? Déjà transverse au sein de son entreprise, le professionnel de la gestion du risque devra-t-il bientôt travailler de manière intégrée sur des questions de résilience avec ses confrères du secteur à travers le monde ?
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